MiscellanéesAlexandra est une artiste nomade. Ce n’est pas tout à fait exact. Alexandra est une femme nomade, et quand elle fait de l’art, son nomadisme de femme vient squatter son art d’artiste. Par exemple, voyez cette photo qu’elle a prise en Chine (titrée par elle Déraciné) où un saule pleureur couché parmi ses compagnons debout porte sur son horizon proche une embarcation exotique naviguant plus loin sur le fleuve : déracinement figuré soulignant exil réel. Il est vrai qu’à moi qui connais un peu la vie d’Alexandra, il est plus facile de déchiffrer ce genre d’indices ; il y a quelques années, je recevais régulièrement d’elle des chroniques chinoises et je m’inquiétais de lire dans ses descriptions la pure volonté de dépaysement qui la guidait alors. En réalité, Alexandra n’est pas une femme nomade, mais quelqu’un chez qui l’habiter forme une faculté hypersensible. Tandis que nous autres habitons tout grossièrement et franchement nos habitations, c’est comme si Alexandra était restée étrangère à l’ordre du logis (= l’idéologie domestique) ; de sorte qu’elle perçoit toutes sortes d’installations avec une acuité inquiète et rêveuse. C’est donc une coïncidence heureuse si La Maison lui a commandé une exposition monographique, car l’artiste y trouve une belle occasion de contre-habiter cet espace, qui a toujours plié les expositions qu’il accueillait à sa fonctionnalité première (toilettes et salle de bains comprises). Contre-habiter, ce sera alors décliner des formes paradoxales d’habitation, en jouant sur la « fonction tableau », par quoi se symbolise d’ordinaire le caractère habitable d’un lieu, autant que sur le genre de l’installation, qui embrasse tout l’espace réel d’une pièce ou d’un espace intérieur complexe. Au salon vide, ainsi, fleurissent des pensées si évidemment cultivées qu’on ne peut pas de ne pas penser sauvage en les voyant jaunir sous l’ampoule… Soucis, Joseph Mouton, 2009. ———————————————————————————————————– |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||English Alexandra is a nomadic artist. That is not quite correct. Alexandra is a nomadic woman, and when she makes art, her nomadism as a woman comes and squats in her art as an artist. For example, look at this photograph she took in China (entitled Déraciné [Uprooted] by her) where a weeping willow lying among its standing fellows has an exotic boat extending from its near edge, sailing along further back on the river: a figurative uprooting underlining real exile. It is true that it is easier for me, knowing something of Alexandra’s life, to decipher this kind of pointer; a few years ago I used to receive regular reports from her in China, and in her descriptions I was concerned to read the pure will for a change of scene that guided her at that time. Truth to tell, Alexandra is not a nomadic woman, but a person in whom the act of dwelling forms a hypersensitive faculty. While the rest of us quite crudely and openly inhabit our dwellings, it is as if Alexandra has remained aloof from the order of dwelling places (= domestic ideology), so that she perceives all kinds of installations with an uneasy and dreamy acuteness. Therefore it is a happy coincidence that La Maison has commissioned a solo exhibition from her, for it gives the artist a fine opportunity to counter-inhabit that space, which has always subordinated the exhibitions it hosted to its original function (lavatories and bathrooms included). Counter-inhabiting it will entail going through paradoxical forms of dwelling, playing on the “picture function” by which the inhabitable nature of a place is usually symbolized, as well as on the kind of installation, which embraces all the real space of a room or a complex interior space. Thus in the empty living-room pansies are flowering that are so obviously cultivated that it is impossible for them not to inspire the thought wild as we see them turn yellow under the bulb…
Marigolds, Joseph Mouton, 2009. Translation by Judith Hayward | Flyer (recto) d'invitation à l'exposition. | Alexandra Guillot, Le jardin à l’intérieur, 2009. Terreau, pensées, cage à oiseau, lumière. © la Maison, galerie singulière. Photo : Nicolas Caluaud. | Alexandra Guillot, Le jardin à l’intérieur, 2009. Terreau, pensées, cage à oiseau, lumière. © la Maison, galerie singulière. Photo : Nicolas Caluaud. | Alexandra Guillot, Silencio, 2009. Destructeur de documents, papier, table, broderie encadrée (31 x 22 cm), lumière. © la Maison, galerie singulière. Photo : Nicolas Caluaud. | Alexandra Guillot, Silencio (détail), 2009. © la Maison, galerie singulière. Photo : Nicolas Caluaud. | Alexandra Guillot, Silencio (détail de la broderie), 2009. Texte brodé : « Sur le vide papier que la blancheur défend » (Mallarmé). © la Maison, galerie singulière. Photo : Nicolas Caluaud. | Alexandra Guillot, Fragile, 2008. Ruban adhésif. © la Maison, galerie singulière. Photo : Nicolas Caluaud. | Alexandra Guillot, Spectre, 2009. Miroir gravé. 45 x 30 cm. © la Maison, galerie singulière. Photo : Nicolas Caluaud. | Alexandra Guillot. A gauche : Spectre, 2009. A droite : Penderie (Prototype), 2009. Penderie, tee-shirt sérigraphiés, ceintres. © la Maison, galerie singulière. Photo : Nicolas Caluaud. | Alexandra Guillot, Sans titre, 2009. Intervention sur la bibliothèque de la Maison, galerie singulière. © Photo : Nicolas Caluaud. |